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Gustave Flaubert
TEXTE
Voilà un extrait d'un livre de théorie et de critique littéraires de Zola dans lequel il consacre un chapitre à Flaubert.
Le premier caractère du roman naturaliste, dont Madame Bovary
est le type, est la reproduction exacte de la vie, l'absence
de tout élément romanesque. La composition de l'oeuvre ne
consiste plus que dans le choix des scènes et dans un certain
05 ordre harmonique des développements. Les scènes sont elles-
mêmes les premières venues: seulement, l'auteur les a soigneusement
triées et équilibrées, de façon à faire de faire de son ouvrage
un monument d'art et de science. C'est de la vie exacte donnée
dans un cadre admirable de facture. Toute invention extra-
10 ordinaire en est donc bannie. On n'y rencontre plus des enfants
marqués à leur naissance, puis perdus, pour être retrouvés au
dénouement. Il n'y est plus question de meubles à secret, de
papiers qui servent, au bon moment, à sauver l'innocence
persécutée. Même toute intrigue manque, si simple qu'elle
15 soit. Le roman va devant lui, contant les choses au jour le jour,
ne ménageant aucune surprise, offrant tout au plus la matière
d'un fait divers; et, quand il est fini, c'est comme si l'on
quittait la rue pour rentrer chez soi. (...)
(J'en viens au) second caractère du roman naturaliste. Fatale-
20 ment, le romancier tue les héros, s'il n'accepte que le train
ordinaire de l'existence commune. Par héros, j'entends les
personnages grandis outre-
ces types hors nature, debout, et dont les noms restent. Au
contraire, les bonshommes se rapetissent et se mettent à leur
25 rang, lorsqu'on éprouve la seule préoccupation d'écrire une
oeuvre vraie. (...) On a voulu la médiocrité courante de la
vie, et il faut y rester. La beauté de l'oeuvre n'est plus
dans le grandissement d'un personnage, (...) elle est dans la
vérité indiscutable du document humain, dans la réalité absolue
30 des peintures où tous les détails occupent leur place.
(...) Un égal niveau abaisse toutes les têtes, car les occa-
sions sont rares, où l'on ait vraiment à mettre en scène un
homme supérieur.
J'insisterai enfin sur un troisième caractère. Le romancier
35 naturaliste affecte de disparaître complètement derrière l'ac-
tion qu'il raconte. Il est le metteur en scène caché du drame.
Jamais il ne se montre au bout d'une phrase. On ne l'entend ni
rire ni pleurer avec ses personnages, pas plus qu'il ne se
permet de juger leurs actes. C'est même cet apparent désinté-
40 ressement qui est le trait le plus distinctif. On chercherait
en vain une conclusion, une moralité, une leçon quelconque
tirée des faits. Il n'y a d'étalés, de mis en lumière, unique-
ment que les faits, louables ou condamnables. L'auteur n'est
pas un moraliste, mais un anatomiste qui se contente de dire
45 ce qu'il trouve dans le cadavre humain. Les lecteurs conclu-
ront, s'ils le veulent, chercheront la vraie moralité, tâche-
ront de tirer une leçon du livre. Quant au romancier, il se
tient à l'écart, surtout par un motif d'art, pour laisser à
son oeuvre son unité impersonnelle, son caractère de procès-
50 verbal écrit à jamais sur le marbre. Il pense que sa propre
émotion gênerait celle de ses personnages, que son jugement
atténuerait la hautaine leçon des faits. C'est là toute une
poétique nouvelle dont l'application change la face du roman.
de: Émile Zola, Les romanciers naturalistes,
525 mots
1. COMPRÉHENSION
1.1. Faites le résumé du roman «Madame Bovary» de Gustave Flaubert. Écrivez 150 mots au maximum.
1.2. En rédigeant cette critique littéraire quel est l'objet de Zola ? (50 mots)
2. ANALYSE
2.1. Dégagez les idées essentielles de Zola sur le roman naturaliste dans le texte donné.
2.2. De quels aspects du roman traditionnel Zola distancie-
3. COMMENTAIRE
3.1. Au déplaisir de Gustave Flaubert, qui a toujours refusé de faire partie d'une école littéraire, Zola considère «Madame Bovary» comme le type du roman naturaliste. En êtes-
3.2. Discutez: Emma Bovary: victime ou femme coupable?