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F - Abitur - Arbeit Nr. 8

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une cour d'assises
 

une cour d'assises

 


Thema:      L'existentialisme
Text:         André Malraux, La condition humaine
aus:           André Malraux, La condition humaine, 1933, Gallimard, extrait


[...]  Mais il devait bientôt entrer en contact avec la vie d'une façon brutale;
un matin, à Lausanne, je reçus une lettre dans laquelle un de nos
camarades m'informait que Pierre venait d'être inculpé dans une affaire
d'avortement; et, deux jours plus tard, une lettre de lui, où je trouvai
05 quelques détails. Si la propagande en faveur du malthusianisme était
active dans les sociétés anarchistes, les sages-femmes qui acceptaient de
provoquer l'avortement par conviction étaient fort peu nombreuses, et un
compromis intervenait: elles provoquaient l'avortement «pour la cause»
mais se faisaient payer. Pierre, à maintes reprises, avait, mi par conviction,
10 mi par vanité, donné les sommes que n'auraient pu trouver seules des
jeunes femmes pauvres. Il disposait de la fortune qu'il avait héritée de sa
mère, ce que néglige le rapport de police; on savait qu'il suffisait de
s'adresser à lui: on le sollicitait souvent. A la suite d'une dénonciation,
plusieurs sages-femmes furent arrêtées, et il fut poursuivi pour complicité.
15 Son premier sentiment fut la stupéfaction. Il n'ignorait pas l'illégalité de
ce qu'il faisait, mais le grotesque d'un jugement en cour d'assises,
appliqué à de telles actions, le laissa désemparé. Il ne parvenait pas,
d'ailleurs, à se rendre compte de ce que pouvait être un tel jugement. Je le
voyais alors souvent, car on l'avait laissé en liberté provisoire.
20 Les confrontations n'avaient pour lui aucun intérêt: il ne niait rien.
Quant à l'instruction, menée par un juge à barbe, indifférent et préoccupé
surtout de réduire les faits à une sorte d'allégorie juridique, elle lui semblait
une lutte contre un automate d'une médiocre dialectique.
Un jour, il dit à ce juge qui venait de lui poser une   question:
25 «Qu’importe?» - «Eh! répondit le juge, cela n'est n’est pas sans importance
pour l'application de la peine ...»
Cette réponse le troubla. L'idée d'une condamnation réelle ne s'était pas
encore imposée à lui. Et, bien qu'il fût courageux et méprisât ceux qui
devaient le juger, il s'appliqua à faire intervenir en sa faveur auprès d'eux
30 tous ceux qu'il put atteindre: jouer sa vie sur cette carte sale, ridicule,
qu'il n'avait pas choisie lui était intolérable.
Retenu à Lausanne, je ne pus pas assister aux débats. Pendant toute la
durée du procès, il eut l'impression d'un spectacle irréel; non d'un rêve,
mais d'une comédie étrange, un peu ignoble et tout à fait lunaire. Seul, le
35 théâtre peut donner, autant que la cour d'assises, une impression de
convention. Le texte du serment exigé des jurés, lu d'une voix de maître
d'école las par le président, le surprit par son effet sur ces douze
commerçants placides, soudain émus, visiblement désireux d'être justes,
de ne pas se tromper, et se préparant à juger avec application. L'idée qu'ils
40 ne pouvaient rien comprendre aux faits qu'ils allaient juger ne les
troublait pas un instant. L'assurance avec laquelle certains témoins
déposaient, l'hésitation des autres, l'attitude du président lorsqu'il
interrogeait (celle d'un technicien dans une réunion d'ignorants), l'hostilité
avec laquelle il parlait à certains témoins à décharge, tout montrait à Pierre
45 le peu de relation entre les faits en cause et cette cérémonie. Au début, il
fut intéressé à l'extrême, le jeu de la défense le passionnait. Mais il se lassa,
et, pendant l'audition des derniers témoins, il songeait en souriant: Juger,
c'est, de toute évidence, ne pas comprendre, puisque si l'on comprenait,
on ne pourrait plus juger.» Et les efforts du président et de l'avocat  général
50 pour ramener à la notion, commune et familière aux jurés, d'un crime, la
suite de ces événements, lui semblèrent à tels points dignes d'une parodie
qu'il se prit un instant à rire. Mais la justice, dans cette salle, était si forte,
les magistrats, les gendarmes, la foule étaient si bien unis dans un même
sentiment que l'indignation n'y avait point de place. Son sourire oublié,
55 Pierre trouva ce même sentiment d'impuissance navrante, de mépris et
de dégoût que l'on éprouve devant une multitude fanatique, devant toutes
les grandes manifestations de l'absurdité humaine.
Son rôle de comparse l'irritait. Il avait l'impression d'être devenu figurant,
poussé par quelque nécessité dans un drame de psychologie
60 exceptionnellement fausse, et acceptée par un public stupide; écoeuré,
excédé,ayant perdu jusqu'au désir de dire à ces gens qu'ils se trompaient,
il attendait avec une impatience mêlée de résignation la fin de la pièce qui
le libérerait de sa corvée.
C'est seulement lorsqu'il se trouvait seul dans sa cellule (où il avait été
65 incarcéré l'avant-veille des débats) que le caractère de ces débats
s'imposait à lui. Là, il comprenait qu'il s'agissait d'un jugement: que sa
liberté était en jeu; que toute cette comédie vaine pouvait se terminer par
sa condamnation, pour un temps indéterminé, à cette vie humiliante et
larvaire. La prison le touchait moins depuis qu'il la connaissait; mais la
70 perspective d'un temps assez long passé ainsi, quelque adoucissement
qu'il pût espérer faire apporter à son sort, n'était pas sans faire monter en
lui une inquiétude d'autant plus lourde qu'il se sentait plus désarmé. [...]

820 mots env.


COMPRÉHENSION du TEXTE

1. Qu'est-ce qui est décrit dans cet extrait du roman de Malraux?

2. A quoi l'auteur compare-t-il l'audience de la cour d'assises? Justifiez votre opinion en citant le texte.

3. Expliquez le rôle de chacun des personnages dans cet extrait.

4. L'accusé décrit ses impressions tout au long du procès.  Quelle critique de la justice criminelle révèlent-elles?

ANALYSE et DISCUSSION

5. Trouvez un titre adéquat pour le texte donné.

6. L'accusé dit : «Juger, c'est, de toute évidence, ne pas comprendre, puisque si l'on comprenait, on ne pourrait plus juger.» Qu'est-ce que vous pensez de cette phrase? Pourquoi?

7. Comparez ce procès à celui de Meursault (Albert Camus, L'Étranger) en ce qui concerne les circonstances, les arguments et la description.

 
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